L’historien n’est ni habilité à fouiller dans l’inconscient des hommes politiques ni à traquer leurs blessures narcissiques, mais il est fort à parier que de telles considérations ne sont pas absentes du harcèlement que Mohamed Attya, premier agrégé d’arabe et premier directeur tunisien du prestigieux collège Sadiki, dut subir de la part de son ancien ami et camarade de classe Bourguiba. Pourtant, la Tunisie combattante d’avant-l’Indépendance doit à Mohamed Attya la renaissance du collège Sadiki, son développement qualitatif et quantitatif, ainsi que la fondation du lycée Khaznadar.
Ce que la Tunisie indépendante doit à ce passeur de lumière c’est d’avoir forgé plusieurs générations de cadres : ceux qui, au pied levé, ont pris brillamment le relais de leurs prédécesseurs français pour faire tourner une machine administrative au point mort, ainsi que ceux qui ont pris en charge la destinée du pays durant les cinq premières décennies après l’Indépendance. à la surprise générale, c’est contre cet homme que, trente ans durant, Bourguiba s’est acharné, ne lui épargnant aucune humiliation… Ainsi, la vie paisible d’un brillant homme de lettres et de savoir, considéré par beaucoup comme le père de l’intelligentsia tunisienne, fut brisée.
Le procès inique intenté contre Mohamed Attya montre que l’Indépendance, porteuse d’espoirs, a, hélas, vite pris un chemin de traverse au mépris de la justice, du savoir et de la dignité, fondements d’une société libre et ancrée dans la modernité…
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