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Au XXIᵉ siècle, il devient indispensable de repenser le recours systématique à la prison, en particulier pour les citoyens non dangereux, n’ayant commis ni acte violent ni menace imminente pour la société. La privation totale de liberté, telle que nous l’avons héritée du XIXᵉ siècle, apparaît non seulement contre-productive, mais surtout obsolète face aux possibilités technologiques, éducatives et sociales de notre époque.

Dans les pays émergents, où les priorités sont économiques, sociales et éducatives, l’utilisation excessive de la prison détourne des ressources vitales et, dans certains cas, peut engendrer ou exacerber un climat d’hostilité et de défiance, compromettant la cohésion nationale au profit d’une logique revancharde.

I. Une peine historiquement récente et inadaptée

Contrairement à une idée reçue, la prison n’a jamais constitué le cœur du système pénal traditionnel. L’enfermement était souvent une mesure temporaire en attente de médiation, réparation ou amende.

Le XVIIIᵉ siècle marque l’essor de la prison moderne, magistralement analysée par Michel Foucault dans Surveiller et punir. Ce modèle, pensé pour discipliner les corps dans l’ère industrielle, n’est plus adapté à une société de la connaissance et de l’information.

II. Le regard du Coran et la voie de l’utilité

Le Coran n’érige jamais la prison en modèle pénal. Le prophète Yusuf y est enfermé malgré son innocence (12:32–35). Pharaon menace Moïse d’emprisonnement (26:29), symbolisant l’usage de l’enfermement comme instrument de tyrannie plutôt que d’idéal de justice.

Dans la Sunna, le geste du Prophète lors de la bataille de Badr est éclairant : les prisonniers furent libérés en échange de l’enseignement de la lecture à des enfants.

La peine se mue ainsi en service rendu à la communauté.

Le fiqh classique privilégie la médiation, la compensation et la réconciliation pour les délits non violents, s’inscrivant dans une démarche de justice réparatrice.

III. Le coût exorbitant : un gâchis national

La prison représente un coût financier exorbitant qui détourne des ressources de secteurs vitaux, comme la santé, l’éducation ou les infrastructures.

  • France : ~32 000 €/an (105 €/jour)
  • Belgique : ~55 000 €/an
  • États-Unis : ~36 300 USD/an

Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que les alternatives coûtent en moyenne cinq à dix fois moins cher. Face aux défis de l’heure, l’incarcération pour des délits non violents est une dépense que les pays émergents ne peuvent plus se permettre, du moment que les priorités sont ailleurs.

IV. Alternatives modernes : L’efficacité de la Justice restauratrice

Le fondement moderne des alternatives n’est plus la simple punition, mais la Justice restauratrice, qui vise la réparation du préjudice, la réinsertion du coupable et le dialogue avec la victime. C’est un modèle qui a prouvé son efficacité là où la prison échoue : la prévention de la récidive.

Bracelets électroniques, assignation à résidence, travaux d’intérêt général (TIG), réparation du préjudice : autant de mesures permettant de sanctionner sans détruire, sans humilier outre mesure, sans renoncer à des voies très utiles pour la communauté.

  • Baisse de la récidive : Les études internationales montrent que les peines alternatives (notamment les TIG ou la surveillance électronique) sont souvent corrélées à des taux de récidive significativement plus bas que les peines de prison courtes.

En permettant au citoyen de maintenir son lien social et professionnel, on lui donne les outils pour ne pas réintégrer le circuit pénal. C’est une approche plus efficace pour la sécurité publique.

Le Danemark, la France, le Canada et l’Australie utilisent déjà la détention à domicile sous surveillance pour les individus non dangereux. L’adoption de ces alternatives est également une nécessité impérieuse de gestion publique.

L’augmentation du nombre d’incarcérations impose à l’État un fardeau logistique et budgétaire insoutenable. En effet, elle nécessite l’augmentation permanente du nombre de geôliers, ainsi que des investissements massifs en technologies de surveillance (caméras, moyens de contrôle, infrastructures). Parallèlement, cette surcharge carcérale génère des coûts sociaux et humains indirects considérables : les familles sont contraintes de se déplacer dans des conditions pénibles pour des parloirs éphémères, perpétuant un cycle de rupture du lien social au lieu de favoriser la réinsertion. Cette logique semble à bien des égards contre-productive à tous les niveaux.

V. La Destruction du capital humain et social

L’enfermement disproportionné nourrit le ressentiment et altère la confiance citoyenne. Surtout, il mène au gâchis du capital humain.

Nombre de prisonniers non violents, et non catalogués comme un danger envers autrui, possèdent une expertise très utile à la nation : enseignement, alphabétisation, assistance sociale, ingénierie, art… autant de contributions possibles, mais stérilisées derrière des murs opaques et lugubres. Détruire des carrières et des familles pour des délits non caractérisés ou sujets possiblement à caution est une perte sèche que la collectivité subit doublement : par le coût de la détention et par la privation d’une contribution potentielle à l’économie nationale.

Conclusion : La voie de la sagesse !

La prison ne doit pas être abolie, mais son usage doit être drastiquement limité aux cas réellement dangereux. Pour les délits non violents, elle coûte trop cher, détruit trop et profite trop peu à la société.

Une nation qui veut avancer et qui aspire à la cohésion sociale doit choisir de punir sans détruire. La voie des alternatives, de la Justice restauratrice et de l’utilité communautaire est celle de la sagesse économique et de l’efficacité sociale. C’est la voie d’un système pénal du XXIᵉ siècle, digne des aspirations d’une société en quête de modernité et de paix sociale.

Par Hichem Kacem

Écrivain et directeur de KA’ Éditions

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